Pouvez-vous vous présenter et présenter Onyo ?
Charlotte-Amélie : Nous sommes les co-fondateurs d’Onyo, un studio de création de fables écologiques et sensorielles pour se reconnecter.
Yann : Nous imaginons des histoires, des nouveaux récits et une manière de les vivre, pour explorer d’autres imaginaires autour de l’écologie. Nous nous sommes rendus compte que l’écologie suscite beaucoup d’anxiété. La vision dominante est portée par des dystopies : il est plus facile d’imaginer la fin du monde qu’un futur apaisé et en harmonie avec le vivant. Nous voulons, au contraire, faire rêver autour de ces enjeux écologiques, qui vont révéler toute la beauté qu’il y a à recréer du lien avec le vivant et avec la nature. Nous essayons de créer des temps de reconnexion à soi-même, aux autres et au vivant. La première œuvre que nous avons imaginée s’appelle l’Arbre-Soleil.
Charlotte-Amélie : Nos œuvres sont à la croisée entre art, écologie et bien-être. Ce sont à la fois des œuvres d’art à part entière, qui émerveillent, mais ce sont aussi des outils de médiation pour parler autrement des enjeux écologiques. Les participants vont vivre un moment merveilleux, qui va leur faire du bien, les apaiser et ouvrir des champs de discussion autour de notre relation au vivant, à la nature, à nos émotions face aux crises écologiques que nous traversons. Ce sont aussi des moments de bien-être où l’on va pouvoir se reconnecter à soi.
Yann : La fiction est un formidable outil pour pouvoir faire cela, et parler à des personnes qui ne sont pas du tout sensibles à ces sujets-là, pour pouvoir les embarquer. C’est tout l’enjeu de notre projet aujourd’hui.
Pourquoi vous être spécialisés dans la culture ?
Charlotte-Amélie : Nous travaillions dans le conseil en open innovation, et ensuite nous avons fait un tour du monde sur les expériences immersives, qui nous a apporté une expertise dans le design d’expériences. Grâce à celle-ci, nous sommes arrivés à la création d’Onyo en se disant que nous allions faire rêver les gens. Nous avons un enjeu de créativité, de création et d’émerveillement avant tout.
Yann : En rentrant de notre tour du monde nous nous sommes dit que nous avions envie de créer. Cet enjeu et cette problématique de l’écologie nous sont revenus dessus, à notre retour également. Il y avait tous les discours scientifiques qui avaient du mal à percer et nous nous disions que la fiction et la création artistique pouvaient aider à faire connaître ces messages-là, sans brusquer les publics.
Charlotte-Amélie : Pour compléter l’intention avec laquelle nous avons commencé, il y avait vraiment celle de rentrer par les nouveaux imaginaires et d’écrire de nouveaux récits. Comment la fiction peut-elle être un outil de sensibilisation très accessible à tous ? L’Arbre soleil, tout le monde peut venir en profiter et c’était important.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres œuvres ou animations culturelles ?
Charlotte-Amélie : Dans la forme. Notre dimension immersive est fondamentale : elle fait partie de notre ADN. Nous sommes arrivés avec cette expertise-là : savoir créer une bulle dans laquelle nous allons pouvoir emmener les gens dans un autre monde. Quand nous utilisons le terme “immersive”, ce n’est pas une question de réalité virtuelle : il s’agit de faire vivre une expérience pleinement, de manière très intense, d’oublier le monde qui nous entoure et de faire partie de la scène. Que ce soit la scénographie, les textes, la musique, les technologies, les sons utilisés… tout est au service de l’immersion.
Yann : Nous utilisons de l’immersion sonore, lumineuse, voire olfactive. Par exemple, l’Arbre soleil est une installation invitant douze personnes à régénérer un arbre millénaire. L’une des particularités de cette fable est le son, qui est entièrement spatialisé, rendant l’impression de se retrouver dans un forêt enchantée. Cela permet de faciliter le processus d’imagination.
Ce qui fait notre spécificité, c’est la manière dont nous parlons de ces enjeux. Nous utilisons le terme de “fables écologiques et sensorielles” parce que nous avons considéré que l’écologie est une matière poétique, avec un univers et des territoires que des gens pensent connaître, mais qu’ils connaissent finalement très peu. […] La direction artistique que nous avons est assez unique. Notre message est universel : nous parlons à des enfants, comme à de jeunes adultes, comme à des séniors, qui vont avoir des clés de lecture différentes.
Charlotte-Amélie : L’autre point qui nous différencie – qui est un parti pris, puisque nous ne sommes pas les seuls à le faire – est de ne pas donner des réponses finies, mais d’offrir un cadre dans lequel on va pouvoir commencer à aborder des questions de fond. Typiquement dans l’Arbre soleil, l’enjeu est de repositionner l’être humain parmi toutes les autres espèces et non pas au sommet d’une pyramide. Nous sommes une espèce parmi des millions, et celles-ci ne sont pas des ressources à notre disposition. Il n’y a pas de rapport de domination entre l’humain et les autres personnages qui sont présents. Nous n’allons pas donner de réponses opérationnelles et concrètes, nous offrons une porte d’entrée pour venir adresser ces sujets.
Yann : Je terminerais en disant que ce n’est pas parce que nous utilisons la fiction que nous n’avons pas d’aspect scientifique au départ. Ce sont vraiment des projets à la croisée entre art et science. Par exemple, avec l’Arbre soleil, nous avons essayé de reproduire les mêmes effets physiologiques produits lorsque vous vous baladez en forêt, comme la chute de tension artérielle ou encore la baisse du stress. Notre manière de recréer cet effet a été de mettre un exercice de souffle, inclus dans la narration, pour raviver les flammes de l’Arbre soleil. Nous ne sommes pas du tout dans l’ésotérisme et dans la magie. Il y a une part scientifique importante, bien que l’objectif soit de faire passer des messages poétiques et philosophiques.
Charlotte-Amélie : Nous nous appuyons beaucoup sur des écrits de penseurs contemporains tels que Baptiste Morizot, Vinciane Despret, Philippe Descola. Il y a un fondement derrière toutes ces histoires magiques et merveilleuses.
Quels sont les liens entre votre produit et le secteur de l’événementiel ?
Yann : Nous créons des œuvres, tout en ayant pour objectif de sortir des murs de la culture.
Charlotte-Amélie : Le but, c’est d’aller à la rencontre des publics.
Yann : Nous avons la possibilité de faire partie d’une programmation culturelle, avec des festivals, et essayons aussi d’aller vers des musées. Nous apportons un outil de médiation pour aborder ces sujets-là. Il y a également la partie entreprise parce que c’est important que nous nous adressions à des salariés et que nous embarquions les entreprises dans ces enjeux de transition écologique. C’est une œuvre ainsi qu’un super module pour votre événement pour pouvoir aborder ces sujets de manière relativement courte et poétique.
Charlotte-Amélie : C’est un format mobile, clé en main, développé en plusieurs formats d’écoute. Quand nous avons finalisé l’œuvre il y a un an, c’était dans un format de yourte, avec tout un système son, lumière, etc. Cependant, beaucoup d’événements sont de courte durée : une journée, une demi journée, une soirée… De ce fait, monter une yourte pour un événement aussi court est un peu compliqué. Nous avons donc travaillé à développer des offres plus mobiles, plus légères, pour pouvoir venir facilement composer avec le reste de la programmation.
C’est un module parmi d’autres modules que les gens vont pouvoir explorer. Notre œuvre est une porte d’entrée pour venir aborder ces enjeux par le corps et par les émotions. Nous allons aussi avoir un temps pour venir se reconnecter, ce qui entre en résonance avec des formats plus classiques, comme des conférences, des ateliers, qui vont être beaucoup plus concrets. Notre expérience apporte un temps où les gens vont pouvoir faire une pause pendant un événement où il peut y avoir de nombreuses autres activités, et beaucoup d’informations différentes.
Yann : Notre animation crée des momentum, que ce soit autour de l’écologie ou par exemple la Fête de la science à l’Université Paris Nanterre ou le Grand défi écologique de l’Ademe. Il est important de s’intégrer dans une programmation, qui va créer un lien puissant et conduire à un changement chez le public. Seule, l’œuvre permet de créer de la discussion, de la rencontre. C’est super si derrière, nous pouvons faire un deuxième atelier et découvrir des solutions qui existent sur ces sujets ; cela crée encore plus d’écho. C’est la force de l’événementiel puisque nous arrivons à créer quelque chose de plus fort que notre projet seul.
Charlotte-Amélie : Pour l’instant nous n’avons vu aucune expérience qui se rapprochait de la nôtre en termes de forme ou d’émotions véhiculées. Quand les publics rouvrent les yeux à la fin de l’expérience, ils ont des étoiles dans les yeux, ils ont été transportés ailleurs et beaucoup de personnes nous remercient. Il y en a qui le ressentent comme un cadeau que nous leur avons offert et décrivent l’expérience comme un moment incroyable.
Quel est l’impact de vos événements ?
Yann : Nous menons de vraies réflexions pour limiter notre empreinte carbone dans la forme des expériences, pour être cohérents avec le fond proposé. Pour nous, par exemple, il est important d’utiliser au maximum des matériaux de seconde main.
Charlotte-Amélie : Effectivement c’est une scénographie “propre” dans le sens où il n’y a pas de colle, pas de clous, pas de vis. Nous la montons et démontons à chaque fois. C’est aussi un format compact, qui ne génère pas de déchet.
Yann : Cela va de ce niveaux-là jusqu’à avoir toute une réflexion sur pourquoi nous utilisons le son, et pas des technologies de l’image ou de la réalité virtuelle. Le son a une empreinte numérique bien plus faible que ce que va avoir avec un traitement d’images 3D, qui va tout de suite nécessiter des grosses machines. En revanche, quand nous avons imaginé le projet, nous ne nous imaginions pas devenir propriétaires de yourte !
Sur la notion d’impact sur les publics, nos expériences ne suffisent pas à créer un changement. Nous permettons de vivre un beau moment, et les gens discutent après. Nous avons commencé, avec l’Arbre soleil, à créer des cercles de parole, juste après l’expérience ; des formats très simples où les gens peuvent s’exprimer, poser des questions, partager leur ressenti, leurs émotions par rapport à la transition écologique.
Charlotte-Amélie : Dans un monde où existent beaucoup de crises, qui génèrent beaucoup d’anxiété, nous avions envie de créer des expériences de régénération. C’est-à-dire qui prennent soin à la fois de nos participants, mais aussi de raconter autrement des histoires, et des histoires qui prennent soin des autres. C’est une expérience où les gens vont se sentir apaisés, vont vivre dans un collectif. On sort du format narratif, celui qu’on nous apprend un peu partout. Nous, au niveau de la création, nous nous demandons “Comment raconter des histoires qui, au contraire, mettent le soin au cœur de l’expérience ?”.
Yann : Si l’histoire n’a pas de problème, les gens vont l’associer à une histoire qui peut être ennuyante, le côté un peu utopiste ou tout le monde est beau ça peut être vraiment ennuyant. Nous avons la volonté de créer une histoire intéressante, qui embarque les gens autant que les schémas traditionnels.
Charlotte-Amélie : Pour rebondir et terminer, nous pouvons parler de la sensibilisation par les émotions et les nouveaux imaginaires. Nous voyons que tous les rapports scientifiques ne suffisent pas. Par exemple, les rapports du GIEC, scientifiques et établis, ne suffisent pas à faire bouger les lignes. Nous sommes convaincus qu’il faut à la fois cet apport scientifique, rationnel, expliquant les crises, ce qui va, ce qui ne va pas et ce qu’il faut faire pour changer. Mais, si nous ne venons pas y apporter de l’émotion, de l’attachement, une envie profonde de changer les choses, si ce n’est que de la contrainte, il est très compliqué d’embarquer les gens. Tandis que là, en venant apporter et dire, grâce aux émotions “Regardez la magie du vivant, regardez à quel point c’est beau, regardez à quel point c’est important”, cela donne envie de le faire ; pour nous, cela est fondamental. Il est nécessaire d’allier les deux, et c’est pour cela que nous sommes une porte d’entrée qui tend la main aux scientifiques.
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