PLURALITÉ DES DÉFINITIONS
La médiation culturelle est un champ très large, avec des définitions qui peuvent varier d’une institution à l’autre. Elles se mettent cependant toutes d’accord sur un point : le médiateur est un créateur de lien, entre un public et un objet culturel, et la médiation culturelle est la discipline qui propose une réflexion ou met en pratique la création de ce lien. L’expression est composée de deux mots clés : médiation et culture.
Historiquement, la médiation s’applique soit à la religion, soit au domaine juridique. Pour pouvoir faire acte de médiation, un personnage médiateur est presque toujours présent. Il est celui qui permet de communiquer entre deux parties. De l’autre côté, le mot culture est lui aussi un terme parfois flou, qui regroupe de nombreuses sous-catégories. Chez Vimana Paris, le mot culture, et toutes ses dérives, est entendu comme l’ensemble de ce qui s’apparente aux arts, quelle que soit leur forme, et aux traits culturels d’une société ou d’individu. Par exemple, la gastronomie, le sport ou encore les séries télévisées sont des objets culturels, que la médiation culturelle peut tout à fait aborder.
Voici deux exemples de définitions de la médiation culturelle donnée par des universitaires ; une première plutôt large, et une seconde qui explique les tensions entre les différentes définitions qu’il existe de ce domaine :
« On appelle “médiation culturelle” un ensemble d’actions visant, par le biais d’un intermédiaire – le médiateur, qui peut être un professionnel mais aussi un artiste, un animateur ou un proche –, à mettre en relation un individu ou un groupe avec une proposition culturelle ou artistique (œuvre d’art singulière, exposition, concert, spectacle, etc.), afin de favoriser son appréhension, sa connaissance et son appréciation. » (1)
La médiation culturelle, Bruno Nassim ABOUDRAR, François MAIRESSE, coll. Que sais-je ?, 2018, p.3.
« “Comme toute notion à la mode, le terme de médiation culturelle devient difficile à cerner. Sa définition oscille entre deux extrêmes : d’un côté, une approche théorique très générale, de l’autre, des descriptions, des comptes rendus d’expériences très pragmatiques, centrés sur des réalisations novatrices du moment”, écrit Paul Rasse (2). Ce n’est que relativement récemment que la notion de médiation culturelle a été introduite, dans la langue française, afin d’évoquer un ensemble de pratiques plus ou moins reconnues, entre certaines offres culturelles et une partie du public à qui elles sont destinées. » (3)
(2) Paul Rasse, « La Médiation, entre idéal théorique et application pratique », Recherche en communication, no 13, 2000, p. 38.
(3) La médiation culturelle, Serge CHAUMIER, François MAIRESSE, coll. U, ed. Armand Collin, 2017, p.7
Il y a souvent débat sur la finalité de la médiation : à quoi sert-elle ? Est-elle réellement nécessaire ? Puisque la culture peut être vue comme immédiate, sans intermédiaire (c.f. la notion de « choc esthétique » proposée par André Malraux (4), notamment lors de sa déclaration au Sénat, le 8 décembre 1959), ou encore sans nécessité d’explication, pourquoi créer de la médiation culturelle ? Au-delà de ces questions, longuement développées et réfléchies par les théoriciens du champ disciplinaire, prenons le parti de dire que la médiation culturelle est à minima utile pour certains publics volontaires, intéressés par des dispositifs autour d’objets culturels. Cependant, est-il possible de faire de la médiation culturelle sur tout ?
Sur ces questions, qui n’ont pas de “bonne” réponse, voici le point de vue que Vimana Paris et son équipe adoptent :
La médiation culturelle est importante dans le milieu de l’événementiel, qu’il soit culturel ou non, et même simplement pour le plaisir de développer des dispositifs. Elle est un moyen de partager des expériences, des connaissances, ou des désaccords. Elle permet d’aborder des thèmes compliqués, ou des sujets ludiques. La recherche de lien, le travail avec les publics et l’exploration des cultures est intrinsèque à la vision de Vimana Paris.
Il est possible de faire de la médiation culturelle sur tout objet artistique et culturel : tout art, culture, support, genre, artiste, lieu etc. confondu – soit l’ensemble des objets culturels. Et oui, culturel au sens large ! Comme évoqué précédemment, pourquoi ne pas faire de la médiation sur un type de gastronomie, ou encore sur le design intérieur d’une époque ? Tout est possible ! L’unique obligation est de créer un lien entre cet objet et un public déterminé, réfléchi. La médiation doit se construire autour de ces deux pôles.
À quoi sert-elle ? Cela va dépendre du contexte, du cadre et des publics. Plus largement, la médiation sert à découvrir, partager, explorer ou encore transmettre. Par-dessus tout, cette discipline représente le droit de se faire son propre goût, de ne pas aimer l’objet culturel ou l’atelier, et de se faire sa propre opinion.
QUELQUES MOTS SUR CE MÉTIER
La médiation culturelle n’est pas simplement un domaine de recherche et de théorie, elle se développe aussi en pratique depuis quelques années. L’intérêt pour la médiation est pluriel. Pour les institutions, elle permet de cibler des publics et proposer du contenu alternatif. Le ciblage des publics permet à la fois de faire venir des publics qui ne viendraient pas naturellement dans le lieu en question, mais également de diversifier les publics et de fidéliser ceux intéressés par ces nouveaux contenus.
Le secteur culturel a compris que la médiation culturelle ne s’invente pas, et que créer des dispositifs prend du temps. Il faut donc développer le milieu pratique, avec des personnes dédiées à la création, l’organisation et l’animation des dispositifs. L’étude de la discipline permet non seulement de maîtriser théoriquement les concepts principaux qui ont permis le développement de la médiation, ainsi que de mettre en pratique différents types de médiations.
Lors des études de Médiation Culturelle que nous avons suivies à la Sorbonne Nouvelle, de nombreux cours pratiques nous ont amenées à créer des ateliers de tous types : écrits, oraux, dispositifs longs, courts, pour des publics jeunes, âgés, familiaux, captifs, handicapés ou encore ciblés sur des catégories socio-professionnelles. Pour proposer une analyse des publics ciblés par l’action culturelle mise en œuvre, les théories découlant de la sociologie, de l’anthropologie ou de l’économie se révèlent de véritables alliées pour comprendre les attentes et les besoins des différents publics. Ces analyses permettent de proposer des dispositifs créatifs utiles et pertinents. Néanmoins, l’une des principales qualités du médiateur reste l’improvisation : la théorie ne permet pas de connaître par avance l’intégralité des réactions que les publics auront, et un médiateur doit savoir rebondir aux désaccords, au manque de participation, à la timidité ou au refus complet de certains publics.
Pour donner un relief à cette question du métier de médiateur culturel, voici une définition de ce dernier donnée par Cécilia de Varine (5), qui propose une critique non seulement du métier, mais également de la discipline dans sa pratique :
« Nous [les médiateurs culturels] sommes d’excellents orateurs, très solidaires entre pairs, nous avons la légitimité que nous offrent les publics en retour. Nous sommes d’ailleurs assez prétentieux et extrêmement râleurs : nous voulons une place et une reconnaissance à la hauteur de la mission qui nous est confiée et que nous considérons comme primordiale. Car nous sommes absolument convaincus […] que les institutions, sans nous, ne seraient que coquilles vides […]. » (6)
(6) Cécilia de Varine, « Tout comme l’herbe, la médiation culturelle pousse par le milieu », in F. Serain, P. Chazottes, F. Vaysse, É. Caillet, La Médiation culturelle, cinquième roue du carrosse ?, Paris, L’Harmattan, 2016, p. 75.
Une chose est sûre, il faut de la passion. Les formations en médiation culturelle se multiplient dans les villes françaises, canadiennes ou suisses. Cependant, ce champ et ce métier restent encore très centrés sur les pays francophones, où les recherches et les formations se sont développées depuis plus de dix ans. Le métier de médiateur est en pleine construction, et de nombreux aspects restent à inventer, puis peut-être à figer. Quoi qu’il en soit, notre passion pour la médiation et pour nos secteurs culturels respectifs nous convainquent que le médiateur culturel n’est pas négligeable, si ce n’est nécessaire. Nous souhaitons créer ce lien avec les publics le plus fréquemment possible.
CONCRÈTEMENT, ÇA DONNE QUOI ?
Pour rendre la médiation culturelle moins abstraite : quelques exemples de dispositifs.
Des dispositifs classiques :

Livret pédagogique : médiation écrite, qui ne nécessite pas de médiateur, qui permet de découvrir l’objet culturel sous un autre angle. Avec des explications sur sa provenance, son environnement, son contexte ou encore son auteur s’il y en a un.
Exemple : Expériences passées de Vimana – Nouvelles chansons sur un vieil air
Visites guidées : tout comme le livret, la visite guidée permet d’avoir un point de vue autre sur l’objet. Souvent retrouvé dans les expositions, il porte en lui le même type d’intérêt que celui du livret.
Exemple : Expériences passées de Vimana – Balades littéraires sur le mouvement de la Négritude
Le pré-concert : se fait sous forme orale et/ou écrite. Il permet aux publics de se familiariser avec le concert avant d’y assister. Il s’agit de mettre la musique dans un contexte, ou de commencer à l’aborder. Souvent critiqué pour retirer l’aspect spontané d’un concert de musique, ce type de dispositif peut aussi être bénéfique, non pas pour modeler le goût, mais pour contextualiser un opéra par exemple : qui sont les personnages, quelle est l’histoire (souvent utilisé dans les opéras en langue étrangère) et quand la pièce a-t-elle été créée (auteur, musiciens, contexte social etc.).
Quelques idées développées par Vimana Paris :

Les playlists comme médiation : pour découvrir un sujet, une émotion, un courant artistique ou un genre musical, les playlists sont un bon outil de médiation. Elles permettent à la fois de découvrir seul chez soi, mais servent aussi de support d’une médiation dans le cadre d’un atelier par exemple.
Exemple : Playlist de la FME – “Rap et Histoire de France”
Découvrir un art par le biais d’un autre : la musique contemporaine ? Vous vous dites peut-être “Quelle angoisse…”, mais pourquoi ne pas l’explorer par la danse ? Si la danse contemporaine est pratiquée sur une grande variété de musique, elle peut être une porte d’entrée pour découvrir la musique dite contemporaine. Un bel exemple de mise en pratique sera celui de la reprise des Indes Galantes par Bintou Dembélé en chorégraphie Krump, un mélange d’arts qui permet de toucher plusieurs publics différents et de découvrir deux arts qui, au premier abord, ne seraient pas complémentaires.
Performance physique et performance artistique : pour aborder un art, pourquoi ne pas le présenter sous forme de sport ? Selon les publics, le sport peut être une porte d’entrée vers d’autres sujets. Le ballet n’intéresse pas vos élèves ? Pourquoi ne pas aborder un pas-de-deux comme performance physique. Pour preuve, faites les essayer ! Il faut du muscle, du souffle, de l’endurance et de la coordination.
Exemple : Expériences passées de Vimana – Nuits Blanche 2021

L’artiste médiateur culturel : parfois, la meilleure personne pour parler d’une œuvre, c’est l’artiste lui-même. Pour expliquer les techniques utilisées, les idées derrière l’œuvre, le processus conceptuel ou encore faire tester les étapes de création, l’artiste forme un bon duo avec le médiateur. Sous forme d’atelier pratique par exemple, cette médiation permet entre autres aux publics de s’approprier, de comprendre et de partager une réflexion autour d’une œuvre ou d’une exposition, tout en expérimentant l’art avec leur créativité personnelle.
Exemple : Expériences passées de Vimana – COLLECTiONS
Le Débathon : pour aborder un sujet, débattre sur une problématique et supprimer la partialité des publics ainsi que la timidité de certains, le format de jeux de rôles du Débathon est des plus adéquats. L’idée est simple : il faut une question principale, un tirage au sort des membres de l’équipe “pour” et de ceux de l’équipe “contre”, un public scindé en deux groupes, de bons animateurs et un ou plusieurs experts du sujet. Grâce au jeu de rôle, les publics ne se sentent pas attaqués sur leur position personnelle. Créez de la cohésion d’équipe et développez un argumentaire en réfléchissant en groupe.
Exemple : Expériences passées de Vimana – COLLECTiONS
RESSOURCES EN LIGNE
Depuis de nombreuses années, les universitaires en médiation culturelle et les médiateurs / médiatrices constatent un manque de ressources groupées et accessibles.
La ville de Montréal, avec le soutien de la province du Québec, propose un site complet, regroupant définition, formats, recherches et soutiens financiers autour de la médiation culturelle.
Le Canada, très en avance sur les questions de médiation culturelle, est aussi pionnier lorsqu’il s’agit de ressources en ligne autour de la discipline. Voici un autre exemple de site internet, proposé par l’organisme de bienfaisance Culture pour tous.
Un groupement d’universités et d’écoles, spécialisées en médiation de la musique, suisses et françaises, a réalisé un site internet qui à pour objectif de mettre en commun les connaissances pratiques et théoriques autour de la médiation de la musique.
BIBLIOGRAPHIE
Ouvrages classiques, les premiers pas pour comprendre et aborder la médiation culturelle
ABOUDRAR Bruno Nassim et MAIRESSE François, La médiation culturelle, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Que Sais-je ? », 2016.
BORDEAUX Marie-Christine, « La Médiation culturelle en France, conditions d’émergences, enjeux politiques et théoriques », Colloque international sur la médiation culturelle, Montréal, 2008.
CAMART Cécile, MAIRESSE François, PRÉVOST-THOMAS Cécile, VESSELY Pauline, sous la dir. de, Les Mondes de la médiation culturelle, vol. 1 et 2, Paris, L’Harmattan, 2016.
DONNAT Olivier, Les Pratiques culturelles des Français à l’ère numérique, Paris, La Découverte et ministère de la Culture et de la Communication, 2009.
DUFRESNE Bernadette, Gellereau Michèle, « La Médiation culturelle, enjeux professionnels et politiques », dans Hermès, n°38, 2004.
FLEURY Laurent, Sociologie de la culture et pratiques culturelles, Paris, Armand Colin, 2011 (2e éd.).
LAFORTUNE Jean-Marie, La Médiation culturelle. Le sens des mots et l’essence des pratiques, Québec, Presses de l’université de Québec, 2012.
MONTOYA Nathalie, « Médiation et médiateurs culturels : quelques problèmes de définition dans la construction d’une activité professionnelle », Lien social et Politiques, n°60, 2008, p. 25-35.
SAADA Serge, Et si on partageait la culture ? Essai sur la médiation culturelle et le potentiel du spectateur, Toulouse, Ed. de l’Attribut, 2011.
Quelques-uns des premiers ouvrages sur la Médiation Culturelle
LAMIZET Bernard, La Médiation culturelle, Paris, L’Harmattan, 1999.
MALRAUX André, La Politique, la culture (1966), Paris, Gallimard, 1996.
CAUNE Jean, Pour une éthique de la médiation. Le sens des pratiques culturelles, Grenoble, PUG, 1999. Réédition revue et augmentée : CAUNE Jean, La médiation culturelle. Expérience esthétique et construction du vivre-ensemble, Grenoble, PUG, 2017.
LAHIRE Bernard., La Culture des individus. Dissonances culturelles et distinction de soi, Paris, La Découverte, 2004.
FORMATIONS EN MÉDIATION CULTURELLE
Quelques formations après le baccalauréat
- Licence pro gestion de projets et structures artistiques et culturels. (Possibilité de faire différents parcours : conception et mise en œuvre de projets culturels).
Quelques Masters (Après un Bac+3)
(1) La médiation culturelle, Bruno Nassim ABOUDRAR, François MAIRESSE, coll. Que sais-je ?, 2018, p.3.
(2) Paul Rasse, « La Médiation, entre idéal théorique et application pratique », Recherche en communication, no 13, 2000, p. 38.
(3) La médiation culturelle, Serge CHAUMIER, François MAIRESSE, coll. U, ed. Armand Collin, 2017, p.7
(4) « La culture ce n’est pas connaître mais aimer, et, par cet amour, la culture manifeste et permet une communion » – André Malraux, discours au Sénat 8 décembre 1959.
(5) Cécilia de Varine, « Tout comme l’herbe, la médiation culturelle pousse par le milieu », in F. Serain, P. Chazottes, F. Vaysse, É. Caillet, La Médiation culturelle, cinquième roue du carrosse ?, Paris, L’Harmattan, 2016, p. 75.
(6) Id.